Le Ministère public de la Confédération a ouvert une enquête pénale contre l’Etat d’Asie centrale. Sans donner plus de détails, il évoque des crimes contre le Gouvernement suisse.
Alors que le régime du président kazakh Nazarbaïev et la famille d’oligarques Khrapunov (lire encadré) se livrent bataille depuis quelques années sur les rives du Léman, l’affaire prend une autre tournure. Le Ministère public de la Confédération (MPC) enquête désormais sur des soupçons d’espionnage de la part de l’Etat kazakh, révèle mardi la «Neue Zürcher Zeitung» .
Selon les documents du MPC, la république d’Asie centrale aurait porté atteinte à la sécurité nationale, d’où une procédure ouverte pour «crimes et délits contre le Gouvernement suisse et la défense nationale». Si les procureurs fédéraux refusent de donner le détail des faits reprochés – en raison de l’enquête en cours -, ils confirment que les actes répertoriés dans cette catégorie vont de l’espionnage économique à la surveillance militaire.
En exil à Genève depuis 2008, Victor Khrapunov et sa famille sont devenus de fervents opposants au président Noursoultan Nazarbaïev, qui règne d’une main de fer sur le pays depuis 24 ans. Depuis 2012, l’ex-ministre et ex-maire d’Almaty, qui était la capitale du pays sous l’ère soviétique, est placé sous mandat d’arrêt international à la suite d’une enquête pour corruption, toujours en cours.
Dans ce contexte, des proches suisses de l’oligarque ont confié avoir été surveillés via leur ordinateur, infecté par des programmes espions. Mais les faits ne semblent pas nouveaux. En 2010 déjà, le fils et la belle-fille de Khrapunov ont découvert un GPS dissimulé dans leur voiture. Et, début 2013, un des avocats genevois de l’ancien politicien avait déposé une plainte, parce qu’un de ses ordinateurs avait été manipulé par une tierce personne.
Les autorités genevoises avaient alors tout de suite lancé une enquête, qui a très vite alerté le MPC. Ce dernier a annoncé reprendre l’affaire dès le 7 janvier, selon la «NZZ». Mais les attaques ont continué. En effet, le clan de Victor Khrapunov a déposé une nouvelle plainte en mars 2014, dans le canton de Vaud. Cette fois-ci, c’est son conseiller en communication qui a indiqué avoir été piraté. Un cas que Berne a aussi récupéré. Avec dans son viseur le régime de la république d’Asie centrale.
Sur le plan diplomatique, ce cas d’espionnage présumé pourrait avoir de fortes répercussions. La Suisse importe en effet de grandes quantités de pétrole du Kazakhstan. De plus, l’ex-république soviétique est représentée par la Suisse au conseil d’administration du FMI et reçoit un grande partie de l’aide financière de la Direction du développement et de la coopération (DDC).
La lutte entre la famille Khrapunov et le régime kazakh sur territoire suisse a commencé en février 2012. A l’époque, le gouvernement adresse une demande d’entraide judiciaire à la Confédération. Cette dernière ouvre alors une enquête pour blanchiment d’argent. L’oligarque a, depuis, été entendu plusieurs fois, sans être formellement prévenu.
Le 13 mai 2014, la ville d’Almaty (Kaz) lance une action civile devant un tribunal de Los Angeles. La métropole kazakhe accuse son ex-maire de détournement de fonds. Elle choisit de saisir un tribunal américain en raison des nombreuses activités de Khrapunov aux Etats-Unis. De son côté, le clan Khrapunov a déposé une plainte pénale contre la fille du président Noursoultan Nazarbaïev, laquelle vit aussi à Genève.
Enfin, profitant de son exil en Suisse, Victor Khrapunov a édité un livre de 240 pages dénonçant les dérives du régime de Nazarbaïev. Il s’en prend directement aux «alliés» de ce dernier, dont la Suisse. Son titre est plus qu’évocateur: «Nazarbaïev, votre ami le dictateur». Par ailleurs, Victor et sa femmes Leila gèrent chacun leur site internet, au travers duquel ils attaquent le régime kazakh.
La source : 20Min.ch